Le hard-discount, un art de vivre à l'allemande
L'Allemagne est sans conteste le pays des discounters. Qu'il s'agisse d'Aldi ou de Lidl, ces noms sont devenus synonymes d'un véritable phénomène de consommation. Alors que dans d'autres pays, le terme hard-discount évoque souvent la contrainte ou la basse qualité, en Allemagne, c'est une véritable philosophie de vie ! Savoir dépenser intelligemment, sans sacrifier la qualité, fait partie intégrante de la culture quotidienne allemande.
2. Les différentes enseignes de hard-discount allemandes
3. Les Allemands ont des habitudes alimentaires différentes
4. La recette du succès

Des origines modestes à une révolution commerciale
Les racines du hard-discount remontent à l'après-guerre. À une époque marquée par la pénurie et le pragmatisme, l'idée s'est imposée d'offrir des produits simples, à prix bas et de manière efficace.
En 1946, les frères Karl et Theo Albrecht ouvrent à Essen le premier magasin Aldi. Leur concept : un assortiment réduit, des prix imbattables, aucune publicité. Un principe qui allait bouleverser le commerce de détail.
La qualité sans fioritures
Contrairement aux idées reçues, discount ne rime pas forcément avec bas de gamme en Allemagne. Le secret du succès repose sur une équation simple : efficacité plutôt que luxe.
Grâce à une présentation sobre, une logistique optimisée et des marques de distributeur performantes, les discounters parviennent à proposer des produits bien en dessous des prix du marché, tout en maintenant un niveau de qualité élevé.
De nombreuses marques propres d' Aldi ou de Lidl obtiennent régulièrement d'excellents résultats dans les tests de consommateurs, rivalisant sans peine avec les grandes marques.
Un lien social et une attitude culturelle
En Allemagne, faire ses courses chez un discounter n'est pas un signe de précarité, mais de bon sens. Étudiants, cadres, familles ou retraités s'y côtoient chaque semaine. Comparer les prix est presque devenu un sport national, et les promotions du jeudi un sujet de conversation courant.
Ici, la frugalité n'a rien de honteux, elle incarne une forme de sagesse. Pourquoi payer plus cher quand on peut bien consommer pour moins ?
Un modèle exporté avec pragmatisme
Le concept de hard-discount est devenu un véritable produit d'exportation. Aldi et Lidl sont aujourd'hui présents dans plus de 30 pays, diffusant ainsi un morceau de culture de consommation allemande.
En France, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, les enseignes ont dû s'adapter aux habitudes locales : assortiment élargi, produits frais, bio ou régionaux. Mais l'essence du modèle reste la même : simplicité, efficacité et conviction que la qualité ne doit pas forcément coûter cher.

Les enseignes de hard-discount sont présentes dans l'ensemble du territoire allemand, des grandes villes jusqu'aux villages les plus reculés. Chacune possède sa propre identité, mais toutes partagent la même philosophie : proposer des produits du quotidien à des prix imbattables, dans un cadre simple et fonctionnel.
Aldi : Pionnier du genre, a été fondé à la fin des années 1940 par les frères Albrecht. En scindant plus tard leur entreprise en Aldi Nord et Aldi Süd, ils ont couvert tout le pays et posé les bases d'un modèle de distribution fondé sur la sobriété, la fiabilité et la confiance.
Lidl : Créé en 1973, cette enseigne a modernisé ce concept en adoptant une approche plus dynamique et marketing, tout en conservant une politique de prix bas. Aujourd'hui, Lidl rivalise avec Aldi en termes de notoriété, en Allemagne comme à l'étranger.
Netto & Penny : Appartenant respectivement aux groupes Edeka et REWE, ces magasins représentent une version légèrement plus souple du hard-discount, mêlant marques nationales et produits à bas prix. Ils ciblent une clientèle qui souhaite économiser sans renoncer à un certain choix ou confort.
KiK & NKD : Ils se distinguent en appliquant les principes du discount au secteur du textile et des articles ménagers, avec un positionnement ultra-compétitif.
Nettement plus développé qu'en France, Aldi compte quelques 4.300 filiales en Allemagne, là où le groupe français Casino, par exemple, ne compte qu'un millier, ce segment de distribution représente plus de 40 % du marché de l'alimentaire outre-Rhin. Une telle suprématie est impensable en France.
Le professeur d'économie à l'Université Paris-Diderot, Philippe Moati, expliquait déjà à L'Express en 2008 :
"Le hard-discount n'est pas appelé à capter sans arrêt des parts de marché ; les habitudes d'alimentation ne sont pas les mêmes qu'en Allemagne."
Si les Allemands achètent trois fois plus dans des discounters que les Français, c'est d'abord parce qu'ils préfèrent acheter des produits bon marché : 41 % déclarent ainsi, dans une étude mené par le site NIQ, se procurer des produits de marque, alors que la moyenne européenne se situe à environ 61 %. Mais pourquoi ? En substance, parce que le consommateur allemand serait nettement moins porté sur la gastronomie.
Alfons Frenk, ancien direteur d'Edeka, expliquait dans les colonnes du Frankfurter Allgemeine Zeitung :
"En Allemagne, il n'y a pas de culture de la nourriture. Les Allemands sont schizophrènes : ils s'achètent les cuisines les plus chères du monde, et après, une pizza discount."

Pour garantir ces tarifs défiant toute concurrence, les enseignes commandent d'importants volumes pour l'ensemble de leur réseau et réduisent les coûts d'exploitation au maximum : locaux de tailles réduites (autour de 600 m²) sans décorations et facilement accessible en centre ville, présentation des produits dans les cartons de livraisons, parfois même encore disposés sur des palettes.
Contrairement aux supermarchés classiques, le personnel est aussi moins nombreux et plus polyvalent : la caissière est aussi manutentionnaire et magasinière.
Loin de ne se limiter qu'à l'alimentaire, les hard-discounters s'adaptent en Allemagne aux nouveaux besoins de leur clientèle. Toujours en cassant les prix, ils diversifient leur gamme de produits, pas toujours dans l'alimentaire : le bio, les surgelés, les ordinateurs, le petit électroménager... ont su trouver leur place dans les rayonnages.
En savoir plus :
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Olivier Geslin

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