L'Allemagne leader du marché bio en Europe, devant la France

Depuis plusieurs décennies, l'Allemagne s'est imposée comme l'un des moteurs du développement du marché des produits biologiques en Europe. Avec une consommation élevée, une production en constante croissance et une forte structuration du secteur, l'Allemagne offre un contraste intéressant avec d’autres marchés européens, notamment la France et les pays du sud ou de l’est de l'Europe.
2. Un dynamisme plus récent mais important en France
3. Des dynamiques contrastées dans le reste de l'Europe
4. L'histoire du bio a commencé en Autriche
Le bio en chiffres
L'Allemagne est le plus grand marché bio d'Europe en valeur. En 2023, le marché bio allemand représentait plus de 15 milliards d'euros, selon les chiffres de la Fédération internationale des mouvements d'agriculture biologique (IFOAM).
Cette performance est portée par une conscience écologique profondément ancrée dans la société, ainsi qu'un réseau dense de magasins bio spécialisés (comme Alnatura, Denns BioMarkt) et une forte présence de produits bio en grande distribution.
Les consommateurs allemands sont parmi les plus sensibles aux enjeux de santé, d'environnement et de bien-être animal. Le label bio européen est bien reconnu, mais les consommateurs recherchent souvent des certifications encore plus strictes. Cette exigence pousse les producteurs à maintenir un niveau de qualité élevé et favorise la diversification de l'offre.
Distribution dans les grandes surfaces et discounters
Tous les États membres de l'Union européenne sont soumis depuis 1992 à la même réglementation européenne sur le bio. Par ailleurs, l'UE a adopté une nouvelle législation relative au secteur biologique, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2022 : L'agriculture biologique en bref.
Cependant, les cahiers des charges des labels allemands sont en général beaucoup plus stricts que ceux établis à Bruxelles. Ainsi, s'il est possible avec le "minimum européen" de produire sur une même exploitation de façon bio et conventionnelle, les producteurs adhérant à un des labels allemands doivent convertir intégralement leur mode de production.
Alors que les concepts de développement durable et de commerce équitable prenaient de plus en plus d'importance, le boom du bio a encore en partie été favorisé en Allemagne par l'ouverture de la distribution de produits biologiques aux grandes surfaces et aux discounters (un tiers du marché bio allemand revient à LIDL, Aldi et autres).
Qui dit discount, dit forcément des produits de moins bonne qualité ? Pas pour le bio : des études réalisées par les magazines Öko-Test et Greenpeace Magazin ont montré que l'offre bio des discounters provenait souvent de producteurs adhérant à un label allemand, avec une qualité comparable aux "premiums" des magasins bio. De quoi faire rimer économie et écologie.
En comparaison, la France est le deuxième marché bio d'Europe, avec un chiffre d'affaires avoisinant les 13 milliards d'euros en 2023.
Bien que la croissance ait été spectaculaire dans les années 2010, le marché français a connu un ralentissement ces dernières années, notamment en raison de l'inflation et du recul du pouvoir d'achat.
Le réseau spécialisé (Biocoop, Naturalia) est bien implanté, mais la grande distribution domine largement les ventes de produits bio. Contrairement à l'Allemagne, la France se distingue par une forte production nationale de bio, favorisée par les politiques publiques et une transition agricole soutenue.
Cependant, la confiance des consommateurs français envers les labels a été fragilisée par certaines polémiques, ce qui a entraîné un recentrage vers des produits locaux ou issus de circuits courts.
Au-delà de l'Allemagne et de la France, les marchés bio européens montrent des trajectoires variées :
Les pays nordiques (Suède, Danemark, Finlande) ont une consommation bio élevée par habitant, souvent supérieure à celle de l'Allemagne, grâce à des politiques publiques ambitieuses et un haut niveau de vie.
L'Italie est un acteur majeur de la production bio, notamment dans les fruits, légumes et produits transformés, largement exportés vers d'autres pays européens.
Les pays de l'Est (Pologne, Roumanie, Hongrie) enregistrent une progression rapide du bio, mais à partir de niveaux de consommation relativement faibles. Ces pays sont davantage producteurs qu'importateurs, en raison de coûts de main-d'œuvre plus faibles et de surfaces agricoles disponibles.
L'Espagne est l'un des plus grands producteurs bio en Europe, mais la consommation intérieure reste limitée. L'essentiel de sa production est destiné à l'exportation, notamment vers l'Allemagne et la France.
La vache folle, la grippe aviaire, ou le lait contaminé aux dioxines ont certes radicalement changé le regard des consommateurs sur la nourriture et contribué à la renaissance du "phénomène bio", mais les principes fondateurs de l'agriculture biologique ne sont pas nouveaux.
En 1924, en réponse à des agriculteurs inquiets d'une dégénérescence de leurs productions suite à l'utilisation intensive d'engrais de synthèse, l'Autrichien Rudolf Steiner crée la bio-dynamie, représentée depuis 1928 par la marque internationale Demeter.
Les premiers mouvements d'agriculture "organo-biologique", s'appuyant largement sur les principes de la bio-dynamie, voient le jour en Suisse dans les années 50, et c'est à partir des années 60 que le bio commence à s'instaurer en Allemagne, en parallèle avec le mouvement hippie préconisant un retour à la nature.
En 1971, le premier groupement de producteurs organo-biologiques Bioland voit le jour. Il sera suivi par Biokreis en 1979 et Naturland en 1982.
Aujourd'hui, ce sont, avec Demeter, huit labels qui garantissent aux agriculteurs et producteurs de bio allemands un marché et un suivi, et aux consommateurs des produits de haute qualité.
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Olivier Geslin

