Pourquoi les recruteurs en Allemagne doivent changer de mentalité
Les recruteurs allemands semblent encore aujourd’hui se laisser influencer par des clichés complètement dépassés dans leur recherche de la perle rare. Une situation qui ne laisse que des perdants, pour les candidats comme pour les entreprises.
Par Edition F.
Les clichés ont la vie dure : « Comment pourrais-je donner des responsabilités à un jeune de 20 ans ? » ; « Mon dieu ! Elle a 30 ans, elle va bientôt avoir des enfants, l’heure est venue… » ; « Quelles belles expériences professionnelles pour cet homme de 40 ans… mais cela va me coûter très cher ! »... Et à 50 ans et plus, tout se passe comme si vous n’existiez déjà plus. Il y a une raison à cela. Les recruteurs sont des personnes qui cherchent la sécurité avant toute chose. Ce sont des personnes souvent angoissées. Dans chaque situation, ils prennent en compte les pour et les contre - en accentuant les contre. Ils ne se demandent pas de quoi la candidate qu’ils ont en face d’eux est capable. Il s’interrogent au plus profond d’eux-même plutôt sur ce qui pourrait se passer s’ils prenaient la mauvaise décision.
Alors qu’on préfère aujourd’hui parler en Allemagne de VUCA (un acronyme désignant une situation d’incertitude) et de diversité, il est hors de propos de parler à la place de pénurie de talent, ou d’employer branding. Les origines, l’âge ou le sexe ne devraient plus être déterminants sur le marché de l’emploi allemand. Une seule chose doit compter : « De quoi est-il ou est-elle capable ? Quel potentiel se cache en lui ou en elle ? Peut-il ou peut-elle faire avancer notre entreprise ? »
Des critères bien établis et toujours aussi solides
Aujourd’hui, dans les têtes des recruteurs, les vieux critères n’ont pas bougé. Ils sont figés dans le marbre. Ce sont d’abord les notes à l’école et les mentions à la fac, la mobilité à l’étranger… et l’âge. L’âge avant tout le reste, avec les clichés qui l’accompagnent : « Comment pourrais-je donner des responsabilités à un jeune de 20 ans ? » ; « Mon dieu ! Elle a 30 ans, elle va bientôt avoir des enfants, l’heure est venue… » ; « Quelles belles expériences professionnelles pour cet homme de 40 ans… mais cela va me coûter très cher ! »... À 50 ans et plus, tout se passe comme si vous n’existiez déjà plus. Le pauvre candidat peut alors se poser cent fois la question de ce qui ne va pas dans son profil. Car le faible taux de chômage en Allemagne trompe sur la vérité cruelle du marché : chaque personne avec un diplôme dans la poche se débat pour trouver un emploi convenable sans y parvenir.
Dans leurs CV, il se cache toujours un petit hic. [Si les candidats ont souvent dû changer d’emploi](https://www.connexion-emploi.com/fr/a/question-piege-en-entretien-en-allemagne-combien-de-temps-souhaitez-vous-travailler-dans-notre-entreprise "Question piège en entretien en Allemagne : combien de temps souhaitez vous travailler dans notre entreprise ?"), ou s’ils sont tombés malade, ils reçoivent une fin de non-retour. Pire, quelle horreur, certains ont pu avoir un enfant. La poursuite d’une carrière est terminée pour ceux-là. Et il reste pire encore : si quelqu’un a démissionné un jour ou un autre, alors sa carrière est définitivement terminée - tout du moins dans le monde du management médiocre.
Bastions mentaux et solutions
De nombreux recruteurs fonctionnent ainsi. Ils sont coincés, conservateurs et anxieux. Si la candidature écrite ou l’entretien d’embauche laisse planer le moindre petit doute, alors la chose est d’ors et déjà entendue. Quel terrible carcan !
Il faudrait plutôt regarder les choses dans l’autre sens. Les attentes des recruteurs sont tout simplement impossibles à combler, d’un point de vue humain. Faire un sans faute, sans jamais commettre d’erreurs ? Qui peut s’en vanter, et plus encore, qui voudrait s’en vanter ? On peut toujours trouver de bonnes raisons pour ne pas engager quelqu’un si on veut en trouver, alors qu’on fait par contre beaucoup plus confiance au fait que le candidat viennent sur les conseils d’un collaborateur ou soit chaudement recommandé par un ami.
Il faut probablement alors se mettre en tête la chose suivante : le manque de talent n’existe pas. Il y a plutôt des schémas mentaux trop solidement établis et qui empêchent de trouver des solutions. Ces bastions se sont mis en place avec le temps, parce qu’ils convenaient alors aux recruteurs d’avant - comparé à ceux d’aujourd’hui. Il y avait alors pour un poste, peu importe les conditions offertes, au moins 300 candidatures. Les recruteurs vivaient dans le luxe. Depuis, les temps ont changé - mais les mentalités n’ont pas encore suivies.
Des critères coupés au cordeau
Pour se rendre compte à quel point les critères de recrutements sont serrés, ficelés au millimètre, il serait bon de mettre en place une obligation pour les recruteurs de devoir passer dans le rôle du candidat une fois par an. Cela leur permettrait de bien mieux comprendre leurs “clients” et de réfléchir à nouveau sur la situation particulièrement du recrutement. Beaucoup de recruteurs sont déjà dans la quarantaine, parfois parents, et rêvent secrètement - ils peuvent l’avouer - de travailler à temps partiel.
Ils se rendraient bien vite compte que leurs critères de recrutement ne sont plus actuels. Une situation d’incertitude comme aujourd’hui en Allemagne nécessite du courage et de l’innovation. Elle demande à prendre des décisions qui ne soient pas certaines à 100 %. Être confortablement installé derrière son bureau et contempler le monde de là-bas n’est absolument plus suffisant. Observer, essayer, remettre en cause… Ce sont des aspects qui n’ont pas encore changé la conception du recrutement depuis les années 70 malgré de nombreux résultats scientifiques dans le diagnostic de compétences.
Des objectifs de comportement à repenser
Ce qui est significatif, ce n’est pas que le candidat se fonde dans les attentes du recruteur – cela ne mène finalement à rien d’autre qu’au mensonge, d’une certaine manière. Cela ferait beaucoup plus sens que les recruteurs reconsidèrent leur comportement, leur manière d’être. Il faut pour cela reprendre son souffle pendant la journée et en profiter pour repenser ses attentes. La disposition mentale adoptée permet une meilleure conduite de son travail, et cette bonne conduite engendre des résultats et des succès.
Par exemple, au lieu de...
Disposition | Comportement | Résultats dans l’entreprise |
Si je prends une mauvaise décision de recrutement, je nuis à ma réputation dans l’entreprise | Angoisse et doute | Coûteux, conservatisme, passéisme et préjudiciable vis-à-vis de la concurrence |
Si je recrute une femme de 30 ans, mariée depuis peu, elle va bientôt tomber enceinte | Refus de candidatures, postes non-occupés ou mal occupés | Manque de potentiel au sein de l’entreprise, présence très masculine et manque de parité. |
Si je recrute une personne de 55 ans, elle va bientôt être malade | Refus de candidatures, postes non-occupés ou mal occupés | Manque de potentiel pour l’entreprise, manque de diagnostics des aptitudes, erreurs, décisions sans prise de risque |
Si je recrute quelqu’un qui a déjà souvent changé d’emploi, cette personne va bientôt partir. | Refus de candidatures, postes non-occupés ou mal occupés | Coûteux, conservatisme, passéisme et préjudiciable vis-à-vis de la concurrence |
Je ne recrute personne qui ait déjà été licencié, cela cache quelque chose... | Refus de candidatures, postes non-occupés ou mal occupés | Coûteux, conservatisme, passéisme et préjudiciable vis-à-vis de la concurrence |
...il vaudrait mieux :
Disposition | Comportement | Résultats dans l’entreprise |
Je suis responsable d’hommes et de femmes et je prends cette responsabilité à coeur. Je suis autorisé à donner une chance à ces personnes. Je prends soin de ce pouvoir en permettant à de nouvelles personnes de grandir et de se développer en même temps que nos objectifs dans l’entreprise | Ouverture d’esprit, curiosité, sens des responsabilité, utilisation humaine de son pouvoir | Progrès |
À chaque décision, je sais que je peux faire le mauvais choix. Mais je sais aussi que cette décision me donner l’opportunité de renforcer ma réputation dans l’entreprise. Je fixe des critères clairs et objectifs, afin de faire un choix qui corresponde effectivement aux compétences recherchées. | Formation continue dans le domaine du diagnostic de compétences. Mise en place d’exigences claires et de critères mesurables. Développement de questions pertinentes. | Professionnalisme, baisse des coûts, rotation du personnel en baisse |
Je remets en question profondément le processus de recrutement et je fais en sorte de l’optimiser - dans l’intérêt des collègues et de l’entreprise. | Savoirs actualisés. La remise en question pousse à de nouvelles connaissances. Progrès dans le domaine des ressources humaines. | Nouveauté, amélioration et professionnalisation des ressources humaines |
Il faut une nouvelle pensée dans la direction des entreprises
Cette nouvelle manière de penser n’est pas seulement nécessaire dans le domaine du recrutement. Elle est valable aussi dans la direction des entreprises. Si un mauvais choix de personnel est sanctionné immédiatement, cela augmente la peur du côté des recruteurs - et donc leur besoin d’assurer leurs arrières jusqu’à l’extrême. En sanctionnant de suite le fait qu’un nouveau collaborateur ne soit pas efficace dans la seconde, le recruteur va se sentir d’autant plus obsédé par la recherche de la perle rare, dès la rédaction de l’offre d’emploi.
Si aucun changement dans la politique des ressources humaines n’arrive, pour aller au-delà de simples exécutants qui se conforment à la loi, alors ce département sentira bientôt le renfermé. Son fonctionnement risque de devenir entièrement standardisé et formalisé, comme si tout pouvait être traité par des machines, par l’informatique. Autrement dit, il faut se débarrasser des vieilles manières de faire. Sinon, les entreprises allemandes pourraient assez rapidement perdre leurs avantages sur la concurrence. Car ailleurs, on essaye, on découvre, on prend des risques parfois. Et on investit dans son personnel.
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