La TVA en Allemagne pour les entreprises
La hausse de la TVA allemande de 16 à 19% est souvent citée en exemple comme modèle de TVA sociale. Mais pour les entreprises, cette mesure est restée avant tout cosmétique. TEXTE : ANNE MAILLET
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Ce sont la discipline salariale des employés et la baisse continuelle du coût du travail ces dix dernières années qui constituent le fondement de notre croissance", affirme sans hésitation Gabriele Köstner quand on lui demande quel est le secret des performances économiques outre-Rhin. Cette chef d'une PME spécialisée dans l'emballage à Berlin ne tarit pas d'éloges sur ses employés qui se sont serrés la ceinture pendant des années pour permettre aux entreprises de renouer avec le succès. Aussi, quand le gouvernement allemand a décidé en 2007 d'augmenter la TVA de trois points afin d'abaisser notamment les cotisations à l'assurance chômage, elle n'a pas hésité un instant et a profité de cette diminution des charges pour augmenter le salaire de ses employés.
Mais cinq ans plus tard, la grande majorité des patrons ont déchanté. L'augmentation du taux supérieur allemand de TVA de 16 à 19% avait deux vocations : réduire le déficit public et baisser le coût du travail. Deux points de cette hausse ont donc été attribués à la consolidation du budget et un point à la baisse des cotisations à l'assurance chômage qui passent en 2007 de 6,5 à 4,5%.
Un petit coup de pouce pour les entreprises et les salariés ? Rainer Welz, le patron d'une entreprise de logistique à Berlin relativise. "Les baisses de charges promises ont été marginales et sans commune mesure avec la hausse de la TVA", affirme-t-il aujourd'hui. Car si cette mesure n'a eu aucun impact significatif sur son entreprise, "les salariés, eux, se sont retrouvés avec des charges supplémentaires".
Car au moment où les allocations chômage ont baissé, les cotisations d'assurance maladie et la cotisation retraite ont été relevées de respectivement 0,5 et 0,4 point. Résultat, la TVA "sociale" à l'allemande n'aura fait reculer le poids des cotisations sociales que de 1,1 point... que se partagent l'employeur et le salarié.
Une baisse marginale d'un côté, tandis que de l'autre, la hausse des prix a été bel et bien palpable.
Selon la Bundesbank, ces trois points de TVA supplémentaires ont en effet été très largement répercutés sur les prix à la consommation. L'institution de Francfort enregistre une inflation de 2,3 % sur la période concernée. Une baisse importante du pouvoir d'achat, alors que la demande intérieure n'est pourtant pas le fort de l'économie allemande.
Une période de ralentissement
Le commerce de détail a été le premier à en faire les frais : les pertes se chiffrent à près de 8 % selon la chambre du commerce et de l'industrie. Mis à part les entreprises exportatrices qui ne sont pas assujetties au taux de TVA en vigueur en Allemagne, la grande majorité des secteurs de l'économie allemande passent par une période de ralentissement : au premier trimestre 2007, la croissance atteint à peine 0,5%. "On s'en est sorti avec un œil au beurre noir", constate aujourd'hui Brigitte Neugebauer, experte en fiscalité de la chambre fédérale du commerce et de l'industrie, mais "c'est dû purement et simplement à la bonne conjoncture dont l'Allemagne profitait à ce moment-là", explique-t-elle : l'hiver doux et favorable au secteur de la construction et les prix de l'énergie modérés ont contribué à diminuer l'impact négatif de la hausse de la TVA sur l'économie allemande.
Un bilan mitigé donc pour les entreprises allemandes, mais positif pour les caisses de l'État, qui, elles, ont été largement renflouées par cette mesure. Trois points de TVA correspondent en effet à 24 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires chaque année. "Des rentrées qui n'ont été utilisées qu'en partie seulement pour la consolidation du budget, contrairement à ce qu'avait assuré le gouvernement", dénonce cependant Karl-Heinz Däke, le président de l'association des contribuables allemands.
TEXTE : ANNE MAILLET